Virginie Alary , Assistante de recherche, Maxime Thibault , B. Pharm., M. Sc., CNSC, Pharmacien, Christina Nguyen , B. Pharm., M. Sc., Pharmacienne, Jean-François Bussières , B. Pharm., M. Sc., FCSHP, ChefCentre hospitalier universitaire Sainte-Justine, Montréal (Québec)
Depuis plusieurs années, Agrément Canada reconnaît l’importance du bilan comparatif des médicaments (BCM) et en a fait une pratique organisationnelle requise dans le cadre de son programme d’évaluation1. Au Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine, un programme structuré de gestion du BCM est en place depuis 2008 pour tous les patients hospitalisés ainsi que tous les patients admis en chirurgie d’un jour2. Ce programme repose sur la contribution du personnel infirmier chargé de recueillir le meilleur schéma thérapeutique des médicaments utilisés lors de l’admission. En vertu des règles générales de fonctionnement, les BCM des patients hospitalisés doivent être télécopiés au département de pharmacie, et la version numérisée de ce document est intégrée au dossier pharmacologique informatisé pour permettre l’identification des divergences et assurer une surveillance de la thérapie médicamenteuse. L’intégration du fichier numérisé au dossier pharmacologique informatisé donne un affichage en temps réel du taux de BCM réalisés dans l’établissement et permet notamment aux assistantes-chefs infirmières et aux pharmaciens décentralisés de cibler les patients sans BCM. Les travaux de Penfornis et coll. ont d’ailleurs démontré la capacité des parents de contribuer à cette démarche3.
Dans le cadre de notre programme de recherche évaluative et de nos travaux3–6, nous nous sommes intéressés à la conformité des BCM réalisés en chirurgie ambulatoire. En 2011, nous avons décidé d’encourager la remise du formulaire de BCM aux parents d’enfants pour lesquels une chirurgie ambulatoire était planifiée. Il était prévu que le formulaire soit remis par le commis ou l’infirmière à la dernière visite en clinique externe, quelle que soit la priorité donnée à la chirurgie; de façon générale, la date de la chirurgie était inconnue au moment de la visite en clinique externe.
L’objectif principal de cette étude descriptive et rétrospective était d’évaluer la conformité des BCM réalisés en chirurgie ambulatoire. L’objectif secondaire était de comparer la conformité entre les BCM dûment remplis par le personnel soignant et les parents. Un échantillon de convenance a été établi, soit tous les patients vus dans le cadre de deux semaines de travail de l’unité de chirurgie ambulatoire. Une variable du BCM était jugée conforme si elle comportait une valeur ou si une mention indiquait clairement que le patient ne prenait pas de médicaments.
L’étude a été réalisée du 7 au 18 octobre 2013. Au total, 99 dossiers de patients ont été revus durant les neuf jours ouvrables de la période d’étude. Les patients inclus dans l’étude étaient en majorité des garçons (60 %) et l’âge moyen du groupe était de 8,0 ± 8,5 ans. Le profil des motifs chirurgicaux d’admission était, par ordre décroissant : otorhinolaryngologie (20 %), ophtalmologie (19 %), chirurgie générale (16 %), gynécologie (10 %), urologie (10 %), plastie (9 %) et autres (chirurgie dentaire, pneumologie, orthopédie, dermatologie et gastroentérologie) (16 %). On retrouvait la présence d’un BCM signé dans 97 % des dossiers. Seul 3 % des patients n’avaient pas de BCM dûment rempli au dossier le jour de leur visite en chirurgie ambulatoire. Le tableau 1 présente le profil de conformité entre les BCM dûment remplis par le personnel soignant et les parents.
Tableau 1.
Profil de conformité entre les bilans comparatifs de médicaments remplis par le personnel soignant et les parents
Notre étude a démontré que la presque totalité des patients vus en chirurgie ambulatoire avaient un BCM dûment rempli lors de courts séjours. À l’exception d’un BCM dûment rempli par le personnel soignant, les BCM n’étaient pas télécopiés à la pharmacie, puisque ces patients n’étaient pas hospitalisés (c.-à-d. séjour avec nuitée) et que les médicaments utilisés étaient pris en réserve d’étage; cette pratique fait actuellement l’objet d’une réévaluation. Le personnel soignant respectait la consigne attendue consistant à réaliser systématiquement un BCM. Toutefois, une minorité de parents ont rempli eux-mêmes le BCM avant l’admission en chirurgie d’un jour, ce qui a pu contribuer à ralentir le processus d’admission en courte durée. Bien que la taille de l’échantillon soit limitée, il est intéressant de constater que le BCM semble plus complet lorsqu’il a été préalablement rempli par le parent qui peut, à domicile, recueillir toutes les informations pertinentes. Des discussions avec le personnel infirmier et médical des cliniques, en sus de la consultation des dossiers de patients, mettent en évidence la difficulté d’assurer la remise systématique d’un formulaire de BCM vierge lors de la planification chirurgicale.
Compte tenu du fait qu’il n’existe pas de clinique formelle de préadmission, notre étude a permis d’apporter les correctifs suivants : 1) ajouter un onglet BCM sur la page d’accueil de l’établissement, donnant accès au formulaire de BCM en français et en anglais, 2) réaliser une brève vidéo accessible aux parents et au personnel soignant, afin d’illustrer la bonne démarche et les données requises pour réaliser un BCM de qualité, 3) refaire une tournée de la trentaine de cliniques externes de l’établissement afin d’impliquer davantage les parents et les patients dans cette démarche, 4) planifier la réalisation d’un audit de suivi dans 12 mois, 5) évaluer la faisabilité d’implanter une application pour le recueil du meilleur schéma thérapeutique à domicile par les parents au moyen d’un téléphone intelligent ou d’un formulaire en ligne.
Bien que le BCM fasse l’objet d’une attention soutenue dans notre réseau de santé7 et notamment en pédiatrie8, nous pensons qu’il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine. Cette étude descriptive a mis en perspective l’importance et la difficulté de faire participer les parents à la démarche du BCM en chirurgie ambulatoire pédiatrique dans un centre hospitalier universitaire au Canada.
1. Livret sur les pratiques organisationnelles requises 2013. Ottawa (ON) : Agrément Canada; 2013. Publié au http://accreditation.ca/sites/default/files/rop-handbook-fr.pdf. Consulté le 27 février 2014.
2. Bédard P, Tardif L, Ferland A, Bussières JF, Lebel D, Bailey B, et al. A medication reconciliation form and its impact on the medical record in a paediatric hospital. J Eval Clin Pract. 2011;17(2):222–7.
3. Penfornis S, Bédard P, Bailey B, Bussières JF. Étude pilote sur la participation des parents à la démarche de bilan comparatif des médicaments. Arch Pedatr. 2012;19(5):449–55.
4. Alemanni J, Atkinson S, Sauvé C, Bussières JF. Évaluation de l’utilisation du bilan comparatif des médicaments à l’urgence. Pharmactuel. 2010;43(1):49–52.
5. Penfornis S, Bédard P, Bailey B, Bussières JF. Conformité des bilans comparatifs des médicaments à l’admission transmis au département de pharmacie par télécopieur. Can J Hosp Pharm. 2012;65(3):216–22.
6. Penfornis S, Bédard P, Bailey B, Bussières JF. Pratique de conciliation des traitements médicamenteux en France : enjeux et sondage pilote d’état des lieux. Pharm Hosp Clin. 2012;47(3):204–9.
7. Medication reconciliation (MedRec). Toronto (ON) : ISMP Canada; © 2000–2014. Publié au http://www.ismp-canada.org/medrec/. Consulté le 28 octobre 2013.
8. Huynh C, Wong IC, Tomlin S, Terry D, Sinclair A, Wilson K, et al. Medication discrepancies at transitions in pediatrics: a review of the literature. Paediatr Drugs. 2013;15(3):203–15.
Virginie Alary est aussi candidate au D. Pharm. à l’Université de Montpellier. Jean-François Bussières est aussi professeur titulaire de clinique, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal, Québec.( Return to Text )
Intérêts concurrent : aucun déclaré.
Canadian Journal of Hospital Pharmacy , VOLUME 67 , NUMBER 2 , March-April 2014