Jean-Philippe Adam, B. Pharm., M. Sc., BCPS, Benoît Crevier, Pharm. D., M. Sc.
Dans un service de distribution centralisée en établissement de santé, lors de l’étape de la validation d’ordonnance, le pharmacien peut relever un problème pharmacothérapeutique (ex.: ajustement d’un médicament) ou un problème de distribution (ex.: médicament hors formulaire). Le pharmacien informe l’équipe traitante du problème que ce soit sous forme verbale, manuscrite ou informatique1,2. Au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), l’envoi d’une note informatisée signée de façon électronique au moyen du logiciel BDM Pharmacy (BDM IT Solutions Inc, Saskatoon [Saskatchewan]) est la principale façon de communiquer avec l’équipe traitante, que ce soit pour des questions qui peuvent attendre (ex.: lors de la proposition d’un suivi clinique ou d’une substitution automatique d’un médicament) ou pour l’écriture des ordonnances verbales prises par le pharmacien. Les notes sont imprimées à la pharmacie centrale puis livrées directement aux unités de soins lors de la tournée des commis. Qu’arrive-t-il aux notes de la pharmacie une fois livrées à l’unité de soins? Ces notes d’intervention sont-elles déposées dans le dossier patient à l’unité de soins? Est-ce que l’équipe traitante a lu cette note pour prendre connaissance de l’intervention effectuée par le pharmacien?
Afin de répondre à ces questions, une étude prospective a été réalisée avec l’aide de trois étudiants du doctorat de 1er cycle en pharmacie (Pharm. D) répartis sur chaque site du CHUM (Hôpital Notre-Dame, Hôpital Saint-Luc et l’Hôtel-Dieu de Montréal). Toutes les notes que les pharmaciens ont rédigées pendant 5 jours, soit du 9 au 13 juillet 2016, lors de la validation d’ordonnances ont été prises en compte. Les étudiants devaient vérifier la présence de la note dans chaque dossier patient des unités de soins dans les deux jours suivant sa rédaction. Ce délai permettait de s’assurer que le médecin avait eu le temps de réviser au moins une fois le dossier du patient.
Les résultats obtenus sont détaillés au tableau 1. Ainsi, 19 % des notes d’intervention du pharmacien rédigées lors de la validation n’avaient pas été déposées dans les dossiers patients à l’étage durant ce délai. À chaque site, le pourcentage élevé des notes absentes au dossier est attribuable à l’urgence de l’hôpital Saint-Luc (56 %), de l’hôpital Notre-Dame (42 %) et de l’Hôtel-Dieu (33 %). Cela s’explique, en partie, par le fait que la note ne suit pas les déplacements fréquents des patients à l’urgence, que ce soit lors d’un changement de civière, d’une admission à l’étage ou d’un départ à domicile. Lorsque la note est disponible au dossier, l’équipe traitante a pris connaissance de la proposition dans 45 % des cas, soit en signant la note, soit en ajoutant les propositions s’il y avait lieu (au moyen de la prescription d’une nouvelle ordonnance le lendemain). Il est possible que la proportion de notes lues par les équipes traitantes soit plus grande, car plusieurs notes étaient de nature informative (ex.: informer le médecin d’une substitution automatique), cependant, nous n’avons pas été en mesure de l’évaluer autrement.
Tableau 1 Principaux résultats
Ces résultats incitent à la réflexion. Il nous semble difficile de croire qu’entre le moment de la livraison des notes à l’unité par le commis et la consignation au dossier, une note sur cinq se volatilise. Il y a lieu de se questionner sur les aspects légaux de ce phénomène. Qui est responsable d’une erreur d’administration d’un médicament quand un problème soulevé par le pharmacien ne parvient pas à l’équipe traitante parce que la note s’est égarée en chemin?
Après des discussions avec différents acteurs des unités de soins, nous avons détecté plusieurs problèmes liés à ces notes, et des solutions ont émergé pour améliorer la transmission d’information au prescripteur (voir tableau 2). La mise en place de ces mesures permettra une meilleure prise en charge de la pharmacothérapie du patient dans notre centre hospitalier3. L’organisme Agrément Canada évalue le transfert de l’information aux points de transition des soins comme une pratique organisationnelle requise lors de ses visites dans les établissements de santé prévues en 20174. Puisque beaucoup d’ordonnances sont rédigées au moment du transfert d’un patient, comme l’admission d’un patient à son unité de soins, et qu’à ce moment-là, le pharmacien peut détecter des problèmes pharmacothérapeutiques, il faut établir une communication efficace entre le pharmacien et les professionnels de la santé. L’expérience vécue au CHUM peut inspirer les départements de pharmacie d’autres établissements de santé à faire cet exercice pour remplir ce critère d’évaluation d’Agrément Canada.
Tableau 2 Problèmes soulevés et solutions proposées
1 Al Rahbi HA, Al-Sabri RM, Chitme HR. Interventions by pharmacists in out-patient pharmaceutical care. Saudi Pharm J. 2014;22(2):101–6.
2 Strategies to reduce medication errors: working to improve medication safety. Silver Spring (MD): Food and Drug Administration (US); 2015. Publié au: www.fda.gov/Drugs/ResourcesForYou/Consumers/ucm143553.htm. Consulté le 7 août 2016.
3 Standards de pratique. Montréal (QC): Ordre des pharmaciens du Québec; 2010. 32 p. Publié au: www.opq.org/doc/media/290_38_fr-ca_0_2982_standards_pratique_opq_web.pdf. Consulté le 7 août 2016.
4 Pratiques organisationnelles requises: livret 2017 (pour les visites d’agrément qui auront lieu à partir de 2017). Ottawa (ON): Agrément Canada; 2016. Publié au: https://accreditation.ca/. Consulté le 7 août 2016.
Intérêts concurrents: Aucun déclaré. ( Return to Text )
Remerciements: Nous tenons à remercier Taïs Gomes, Jimmy Pham et Annie-Kim Nguyen, étudiants de 2e année au Pharm. D. à l’Université de Montréal, pour leur aide dans la collecte et l’analyse des données. ( Return to Text )
Canadian Journal of Hospital Pharmacy, VOLUME 69, NUMBER 6, November-December 2016