Patrick Fitch
On ne peut ignorer les manchettes. Le Canada est aux prises avec une crise des opioïdes. On compte plus de 2 900 décès apparemment liés à la consommation d’opioïdes en 2016 et près de 3 000 au cours des neuf premiers mois de 2017 (https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/toxicomanie/abus-medicaments-ordonnance/opioides/deces-lies-opioides.html). Selon l’Organe international de contrôle des stupéfiants, le Canada affiche l’un des taux les plus élevés de consommation d’opioïdes au monde (https://www.incb.org/incb/en/narcotic-drugs/Availability/availability.html). Cet enjeu de santé publique nécessite l’action de plusieurs parties prenantes.
La Société canadienne des pharmaciens d’hôpitaux (SCPH) a participé à des conférences sur les opioïdes organisées par le Gouvernement du Canada (en novembre 2016) et par l’Association des pharmaciens du Canada (en juin 2017) et s’est engagée à prendre certaines mesures pour aider à résoudre cette crise (https://cshp.ca/opioid-crisis). Voici des rapports d’étape sur plusieurs d’entre elles.
La SCPH a sondé ses membres pour savoir quelles ressources leur sont nécessaires en matière de prévention, d’éducation, de traitement, de suivi et de surveillance et pour connaître les mécanismes de mise en application relatifs aux substances contrôlées. L’analyse des résultats est en cours. Attendez-vous à pouvoir bientôt consulter les résultats complets.
La SCPH milite pour que les pharmaciens soient désignés en vertu du Règlement sur les nouvelles catégories de praticiens. Dans les provinces où les pharmaciens peuvent déjà prescrire, cette désignation étendrait ce droit aux substances contrôlées.
La SCPH dirige l’élaboration de lignes directrices sur la prévention et la détection de détournement de substances contrôlées dans les hôpitaux et autres organismes de soins de santé et sur les mesures à prendre à cet effet. Nos principaux partenaires sont Santé Canada, SoinsSantéCAN, l’Association des infirmières et infirmiers du Canada et la Société canadienne des anesthésiologistes. D’autres groupes occupent des rôles de contributeurs ou d’experts consultants, notamment l’Institut pour la sécurité des médicaments aux patients du Canada, l’Association des paramédics du Canada, la Canadian Association of Emergency Physicians, des organismes réglementaires de professionnels de la santé et des chercheurs dans le domaine. Nous cherchons à prendre contact avec des parties prenantes importantes du milieu des soins de longue durée, de l’agrément des hôpitaux et des organismes d’application de la loi. Les lignes directrices finales, qui comprendront les meilleures données probantes disponibles, devraient être publiées en décembre.
Nous recueillons et publions des ressources éducatives et en lien avec la pratique sur l’utilisation des opioïdes dans la section Pharmacy 365 de notre site Web (https://cshp.ca/pain-management).
À titre de praticien en pharmacie, chacun d’entre nous doit faire sa part. Les taux élevés de consommation d’opioïdes au Canada laissent croire qu’un changement de paradigme ou un changement culturel est nécessaire en ce qui touche à notre façon de traiter la douleur aiguë et la douleur chronique non cancéreuse. D’ailleurs, le public est de plus en plus informé sur le sujet. Récemment, un chroniqueur du Globe and Mail a attiré l’attention sur une étude examinant les conséquences inattendues de la grande disponibilité de la naloxone (chronique disponible au https://www.theglobeandmail.com/opinion/article-does-naloxone-really-save-lives/, article disponible au https://ssrn.com/abstract=3135264). Par exemple, se croyant moins à risque de mourir de surdose à cause de la disponibilité de la naloxone, les toxicomanes pourraient commencer à consommer plus souvent, à forcer les doses ou à prendre des substances plus puissantes. De plus, le nombre de vols liés aux médicaments et de visites aux services des urgences a augmenté.
Au cours de la Conférence sur la pratique professionnelle de 2018 de la SCPH, j’ai plusieurs fois entendu le terme « gestion responsable des opioïdes ». Les conférenciers avançaient que les pharmaciens peuvent agir de bien des façons pour promouvoir l’utilisation rationnelle des opioïdes, notamment en offrant d’autres stratégies de traitement de la douleur lorsque cela est adéquat. Par exemple, les opioïdes ne sont pas toujours le meilleur traitement de la douleur chronique non cancéreuse.
Ainsi, tout comme les pharmaciens ont déjà pris la responsabilité de la gestion responsable des antibiotiques, j’invite l’ensemble des membres de la SCPH à prendre aussi en main la gestion responsable des opioïdes et à en faire un élément central dans leur pratique.
[Traduction par l’éditeur]
Canadian Journal of Hospital Pharmacy, VOLUME 71, NUMBER 3, May-June 2018