La déclaration des réactions indésirables aux médicaments: une occasion d’étendre le rôle des pharmaciens


Stephen Shalansky

Le présent numéro du Journal canadien de la pharmacie hospitalière (JCPH) contient deux articles à propos des réactions indésirables aux médicaments (RIM). Roy et Ma1 écrivent sur les effets d’un changement de politique concernant la déclaration des RIM par les pharmaciens tandis qu’Auyeung et Lee2 présentent une observation clinique du syndrome de Stevens-Johnson associé à l’utilisation de la ciprofloxacine. Au cours des dernières décennies, le JCPH a publié bon nombre d’articles décrivant le rôle des pharmaciens dans la déclaration des RIM et le traitement de ces dernières ainsi que sur l’incidence des événements indésirables liés aux médicaments. L’intérêt marqué que porte depuis longtemps le JCPH pour la déclaration des RIM est un bon incitatif pour nous tous qui travaillons comme pharmaciens à réévaluer notre point de vue sur ce sujet et à devenir conscients des nouvelles occasions d’accroître le rôle des pharmaciens dans cet important champ de responsabilité.

La surveillance des RIM est centrale aux processus de réglementation des médicaments dans le monde et les pharmaciens sont indispensables en ce qui touche la sécurité des médicaments dans les différents milieux de pratique2,3. Le rôle quotidien des pharmaciens cliniciens dans les hôpitaux est particulièrement idéal pour la détection et la déclaration des RIM. Dans le cadre de sa Stratégie d’accès aux produits thérapeutiques, Santé Canada a élaboré le programme MedEffet Canada afin de centraliser et de simplifier la déclaration des RIM4. Les facultés de pharmacie de partout au Canada enseignent aux étudiants les objectifs derrière la déclaration des RIM ainsi que son importance et les stages cliniques comprennent souvent des éléments du processus de déclaration des RIM au sein de leurs activités obligatoires. Malgré l’accent mis sur la déclaration des RIM dans l’enseignement de la pharmacie et dans la pratique de la pharmacie hospitalière, la fréquence des déclarations est sous-optimale, car les pharmaciens n’avaient envoyé à Santé Canada que 10 % de l’ensemble des déclarations de RIM en 20121,5. Que pouvons-nous faire en tant que praticiens de pharmacie pour améliorer la prise en charge de cette responsabilité fondamentale?

Tout d’abord, nous pouvons nous familiariser avec le processus canadien actuel de déclaration des RIM et agir de façon exemplaire la prochaine fois que l’un d’entre nous détectera une RIM pouvant être déclarée. Grâce à la mise en place de programmes de Pharm. D. comme diplôme d’entrée dans la profession partout au pays et au nombre accru de stages en hôpitaux qui en résulte, les occasions de faire participer les étudiants dans le programme MedEffet Canada sont nombreuses. Dans une étude récente, Wentzell et collab.6 ont montré que la disponibilité des étudiants en pharmacie pour faciliter la déclaration des RIM permettait de réduire la charge de travail des pharmaciens associée à cette activité et d’augmenter la fréquence des déclarations de RIM. De plus, les étudiants étaient tout à fait d’accord pour dire que la responsabilité de la déclaration des RIM devrait demeurer celle des étudiants en pharmacie au cours de stages futurs.

Les modifications au Règlement sur les aliments et drogues qui obligeraient les hôpitaux à signaler les effets indésirables graves, publiées en juin 2018 dans la Partie I de La Gazette du Canada, 7 suscitent la motivation à déclarer plus diligemment les RIM. Après avoir fait une première déclaration de RIM à Santé Canada, les suivantes seront beaucoup plus faciles, et vous pourrez continuer sur votre lancée. Enseignez à vos étudiants à produire des déclarations de RIM durant leurs stages et même pendant les cours magistraux. Consacrez une séance d’un club de lecture au programme MedEffet Canada même si vous n’avez pas un exemple à portée de main. Assurez-vous aussi d’informer vos patients, particulièrement ceux qui ont déjà subi une RIM, à propos des principes de sécurité des médicaments, y compris la déclaration des RIM. Il est important de ne pas oublier que les patients peuvent déclarer des RIM directement à Santé Canada selon le même processus que celui utilisé par les pharmaciens.

Les observations cliniques représentent des mécanismes efficaces de diffusion d’information importante à propos des RIM et une excellente façon de commencer ou de continuer à publier. Dans le premier article que j’ai publié (et qui se trouve avoir paru dans le JCPH)8, j’ai écrit sur une RIM causée par une interaction médicamenteuse et je connais plusieurs autres pharmaciens dont la première publication portait sur une observation clinique concernant une RIM. Roy et Ma1 sont allés un peu plus loin en publiant une description de la façon dont ils ont mis en place un changement de politique destiné à confirmer et à rationaliser les critères de déclaration des RIM dans les cliniques de consultation externe de leur établissement. Bien sûr, la déclaration des RIM demeure la responsabilité de l’ensemble des membres de l’équipe de soins; elle est aussi un élément central des normes de gestion des médicaments d’Agrément Canada, ce qui nous rappelle que ces déclarations ne sont pas facultatives dans l’esprit des instances d’agrément9.

Des études à grande échelle réalisées au Canada et aux États-Unis ont montré que les événements indésirables liés aux médicaments sont fréquents et souvent évitables10,11. La déclaration des RIM a mené à bon nombre d’importants changements à l’étiquetage des médicaments, à la diffusion d’avis de sécurité et même au retrait de produits précis du marché canadien12. La déclaration des RIM exige assurément du temps, mais la portée qu’elle peut avoir sur les soins aux patients et la sécurité des médicaments vaut amplement le petit effort nécessaire en amont.

Lorsque vous êtes en présence d’une RIM au cours de votre pratique clinique, gardez vos patients à l’esprit. Vous avez sûrement déjà fait une recommandation thérapeutique ou réalisé une intervention pour laquelle de l’information concernant une RIM déclarée précédemment par autrui était décisive. Faites en sorte que les pharmaciens devant des situations futures semblables aient accès à autant d’information que possible pour réaliser les meilleures interventions thérapeutiques auprès des pauvres patients qui ont déjà subi une RIM ou qui sont à risque d’en subir une. Ensemble, nous pouvons améliorer la sécurité des patients et des produits tout en enrichissant les connaissances des Canadiens pour nous assurer que ces derniers puissent faire les meilleurs choix possibles quant à leur pharmacothérapie.

[Traduction par l’éditeur]

References

1 Roy R, Ma J. Impact of a policy change on pharmacists’ reporting of adverse drug reactions. Can J Hosp Pharm. 2018;71(4):227–33.

2 Auyeung J, Lee M. Successful treatment of Stevens–Johnson syndrome with cyclosporine and corticosteroid. Can J Hosp Pharm. 2018;71(4):272–5.

3 Generali JA. Adverse drug event reporting: awareness is not enough. Hosp Pharm. 2014;49(2):110–1.
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4 MedEffet Canada. Ottawa (ON): Santé Canada. Publié au: https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/medicaments-produits-sante/medeffet-canada/medeffet-canada.html. Consulté le 5 avril 2018.

5 McMorran M, McEnaney J. Déclarations d’effets indésirables et d’incidents—2012. Can Adverse React Newsl. 2013;23(3):2–5. Publié au: https://www.canada.ca/content/dam/hc-sc/migration/hc-sc/dhp-mps/alt_formats/pdf/medeff/bulletin/carn-bcei_v23n3-fra.pdf. Consulté le 5 avril 2018.

6 Wentzell J, Nguyen T, Bui S, MacDonald E. Pharmacy student facilitation of reporting of adverse drug reactions in a hospital. Can J Hosp Pharm. 2017;70(4):276–80.
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7 Règlement modifiant le Règlement sur les aliments et drogues (rapports sur les réactions indésirables graves à une drogue — hôpitaux). La Gazette du Canada, Partie 1. 2018 JUN 16;152(24). Publié au: http://www.gazette.gc.ca/rp-pr/p1/2018/2018-06-16/html/reg5-fra.html. Consulté le 15 août 2018.

8 Landsberg KF, Shalansky SJ. Interaction between phenytoin and theophylline. Can J Hosp Pharm. 1988;41(1):31–2.

9 Normes: gestion des médicaments pour les visites qui commencent après le 01 janvier 2018. Version 12. Ottawa (ON): Agrément Canada.

10 Baker GR, Norton PG, Flintoft V, Blais R, Brown A, Cox J, et al. The Canadian Adverse Event Study: the incidence of adverse events among hospital patients in Canada. CMAJ. 2004;170(11):1678–86.
cross-ref  pubmed  pmc  

11 Bates DW, Cullen DJ, Laird N, Petersen LA, Small SD, Servi D, et al.; ADE Prevention Study Group. Incidence of adverse drug events and potential adverse drug events. Implications for prevention. JAMA. 1995;274(1):29–34.
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12 Wiktorowicz ME, Lexchin J, Moscou K, Silversides A, Eggertson L. Surveiller les médicaments d’ordonnance, veiller à la sécurité des canadiens. Systèmes actifs de surveillance de l’innocuité et de l’efficacité des médicaments au Canada et dans le monde. Toronto (ON): Conseil canadien de la santé; novembre 2010. Publié au: http://publications.gc.ca/collections/collection_2011/ccs-hcc/H174-21-2010-fra.pdf. Consulté le 4 avril 2018.


Stephen Shalansky, B. Sc. (Pharm.), Pharm. D., ACPR, FCSHP, est coordonnateur clinique du service de pharmacie au Providence Health Care et professeur de clinique à la Faculté des sciences pharmaceutiques de l’Université de Colombie-Britannique, à Vancouver, en Colombie-Britannique. Il est également rédacteur en chef du Journal canadien de la pharmacie hospitalière

Address correspondence to: Dr Stephen Shalansky, Pharmacy Department, Providence Health Care, 1081 Burrard Street, Vancouver BC V6Z 1Y6 Courriel:sshalansky@providencehealth.bc.ca
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Intérêts concurrents: Aucun déclaré. ( Return to Text )


Canadian Journal of Hospital Pharmacy, VOLUME 71, NUMBER 4, July-August 2018