Peter J Zed
Le 11 mars 2020, l’Organisation mondiale de la Santé déclarait un état de pandémie provoquée par le syndrome respiratoire aigu lié au coronavirus 2 (SARS-CoV-2), une infection désormais connue sous le nom de maladie à coronavirus, ou COVID-191. Depuis, le monde a connu des perturbations et des changements sans précédent et l’impact sur tous les aspects de notre vie a été énorme. Le système de soins de santé au sein duquel nous exerçons en tant que pharmaciens a été obligé de réagir. Nous avons été appelés, avec les autres fournisseurs de soins de santé, à assurer un leadership rapide et nécessaire pour réagir à l’évolution rapide de situations problématiques2. Pendant cette pandémie, le leadership en pharmacie s’est illustré de nombreuses manières et a exigé de nous que nous fassions ce qui s’imposait pour nous occuper de nos patients, de nous-mêmes et de notre système, ce qui a mis en valeur notre expertise, notre expérience, nos capacités et notre résilience. Bien que l’espace ne se prête pas à une étude approfondie, je souhaite mettre en lumière ici quelques domaines où, durant cette pandémie, notre profession s’est illustrée par son leadership en matière de soins cliniques, de collaboration, d’éducation, de recherche et de communication.
Alors que nous nous préparions à ce qui allait devenir une pandémie, la planification des conséquences anticipées et incertaines sur notre système a été un défi monumental. La planification sanitaire et des ressources humaines était depuis des mois dans l’esprit de tous les gestionnaires en pharmacie. Le déploiement ou redéploiement des membres du personnel et des expertises adéquates a été un facteur essentiel, et de nombreuses autorités sanitaires ont élaboré des plans flexibles permettant à nos pharmaciens et membres de nos équipes de fournir des soins cliniques à tous les patients. Porter notre attention sur les problèmes cliniques pratiques, spécifiques à une pandémie, était nécessaire pour assurer l’approvisionnement en médicaments, particulièrement ceux faisant l’objet d’une demande accrue. La planification de l’approvisionnement en ces médicaments essentiels, si la demande devait dépasser l’offre, était primordiale. De plus, la manière de préparer, de stocker et de distribuer ces médicaments au niveau du système et des institutions exigeait une attention particulière. L’utilisation de thérapies expérimentales a également posé des défis en matière de soins cliniques. Les médicaments n’ayant pas fait l’objet d’une évaluation appropriée relativement à la COVID-19 pouvaient avoir des conséquences imprévues, y compris des conséquences incertaines concernant leur efficacité et leur innocuité, et limiter leur accès aux patients qui en avaient besoin pour des indications précédemment approuvées3. Il est en effet tentant d’envisager des thérapies sans fondement entraînant une morbidité et une mortalité importantes pendant une pandémie. Cependant, la pandémie ne devrait pas nous obliger à choisir entre l’adoption rapide et prématurée de thérapies sans fondement et des éléments de preuve adéquats pour étayer leur efficacité et leur sécurité4. Enfin, notre manière de prodiguer des soins cliniques a changé, la différence la plus frappante étant le passage des soins à un mode virtuel afin de préserver la sécurité à la fois des patients et des membres des équipes de soins. Les organismes de règlementation et les autorités sanitaires provinciales ont communiqué des directives sur l’offre de soins virtuels et l’ont encouragée, et de nombreuses pratiques extérieures à l’environnement des soins intensifs sont entièrement passées aux soins virtuels5–7.
La collaboration à de nombreux niveaux a été nécessaire pour gérer cette pandémie. Les collaborations entre les organismes de santé publique et les nombreuses parties prenantes dans le domaine des soins de santé ont été évidentes. De plus, certaines ont vu le jour entre les organismes et les parties prenantes au sein de notre profession, et cela dans un large éventail de domaines cruciaux. On notera par exemple les domaines relatifs aux équipements de protection individuelle (EPI), à la chaîne d’approvisionnement, à la règlementation visant à délivrer et à administrer des médicaments de manière sécuritaire, aux soins cliniques et à la gestion des ressources humaines et de la santé. Certaines de ces initiatives communes ont résulté en un plaidoyer pertinent sur l’approvisionnement en médicaments, tandis que d’autres se sont focalisées sur la disponibilité des EPI et la sensibilisation à leur utilisation adéquate par les membres des équipes en pharmacie dans le continuum des soins. Le bon choix et la bonne utilisation des médicaments, la bonne synchronisation des doses et la réduction de leur fréquence ainsi que l’arrêt de la prescription des médicaments non essentiels sont des domaines où les services de pharmacie ont travaillé main dans la main avec d’autres disciplines en faisant preuve de leadership pour préserver l’approvisionnement en médicaments, les précieux EPI et, enfin, assurer la sécurité de tous les membres de l’équipe de soins. J’espère que lorsque la crise sera terminée, nous tirerons des enseignements de ce leadership collectif et de cette collaboration.
Tout au long de la pandémie, une quantité impressionnante d’informations est produite, et rester au fait des publications aurait été un défi, si ce n’était du formidable leadership de beaucoup de professionnels du domaine de la pharmacie. Ce leadership a été évident au cours de la première semaine de la pandémie, lorsque la section de la C.-B. de la Société canadienne des pharmaciens d’hôpitaux (SCPH) a lancé une série de webinaires organisés par des experts dans leurs domaines respectifs, pour faire connaître les preuves actuelles les plus concluantes relatives aux problèmes de pharmacothérapie8. Cette série s’est penchée sur l’utilisation des agents anti-inflammatoires non stéroïdiens, les bloqueurs du système rénine-angiotensinealdostérone, l’hydroxychloroquine, les corticostéroïdes et les statines; Elle a aussi permis de sensibiliser [nos membres] à la transmission, aux examens et aux considérations particulières de la COVID-19 dans des populations particulières. Une autre série de webinaires, organisée par le bureau national de la SCPH, a permis de sensibiliser davantage les pharmaciens et membres de l’équipe9. Malgré la suspension de près de la totalité des activités de recherche antérieures liées à la pratique clinique et en pharmacie, celles liées à tous les aspects de la COVID-19 ont été encouragées et soutenues, ce qui a donné aux pharmaciens l’occasion d’assumer un rôle de leadership dans la recherche, en transférant de précieuses ressources et leur expertise pour participer à des projets de premier plan dans la pratique clinique et en pharmacie. Le leadership en matière d’éducation et de recherche a été bien accueilli et opportun, il a permis de soutenir l’élaboration et l’application des meilleures pratiques en ces temps marqués par des informations incertaines, conflictuelles et en évolution rapide.
Au cours des derniers mois, l’un des aspects observés les plus importants a peut-être été notre capacité à communiquer d’importantes informations qui évoluaient rapidement. Depuis la déclaration de l’état de pandémie, nos autorités de santé publique ont quotidiennement informé le public ainsi que les administrateurs et fournisseurs de soins de santé. Ce processus a donné le ton aux communications régulières et variées de diverses instances, des associations provinciales aux organismes de règlementation, en passant par les organismes professionnels de bénévoles et les institutions universitaires9–12. Pour les pharmaciens d’hôpitaux, la SCPH a été cette voix et un leader organisationnel. Je salue la Société pour sa capacité à mobiliser son personnel dévoué, ses bénévoles et membres experts pour que nous disposions des informations nécessaires en ces temps difficiles.
Le leadership est toujours important pourtant, au cours des dernières années, j’ai entendu notre profession remettre en question l’avenir du leadership en pharmacie. Une pandémie ne devrait pas être nécessaire pour pousser notre leadership collectif à agir, mais je suis fier de notre profession et du leadership commun dont il a récemment fait preuve. En particulier, des leaders à tous les échelons de notre profession qui doivent être salués pour avoir mis nos patients et notre personnel à l’avant-garde. Nous traverserons ensemble cette situation et j’ai confiance que les obstacles auxquels nous serons confrontés avant que cette pandémie ne prenne fin seront abordés avec le même leadership que nous avons démontré jusqu’à présent. Je mets au défi notre profession de continuer sur son élan au-delà de la pandémie et, grâce à notre engagement, à notre expertise et à notre dévouement pour atteindre l’excellence, de continuer à être le fer de lance en jouant un rôle déterminant dans notre système de santé et en améliorant les résultats cliniques de nos patients.
[Traduction par l’éditeur]
1 Allocution liminaire du Directeur général de l’OMS lors du point presse sur la COVID-19 — 11 mars 2020. Organisation mondiale de la Santé; 2020 [page consultée le 26 avril 2020]. [en ligne]: https://www.who.int/fr/dg/speeches/detail/who-director-general-s-opening-remarks-at-the-media-briefing-on-covid-19---11-march-2020
2 Herrera V, Finkler N, Vincent J. Innovation and transformation in response to Covid-19: seven areas where clinicians need to lead. NEJM Catalyst. Le 16 avril 2020. [en ligne]: https://catalyst.nejm.org/doi/full/10.1056/CAT.20.0087
3 Rome BN, Avorn J. Drug evaluation during the Covid-19 pandemic. N Engl J Med. Le 14 avril 2020. doi: 10.1056/NEJMp2009457
4 Clinical reference group recommendation: therapies for COVID-19. Ministère de la Santé de la C.-B., BC Centre for Disease Control; [mise à jour le 20 avril 2020; page consultée le 26 avril 2020]. [en ligne]: www.bccdc.ca/Health-Professionals-Site/Documents/Recommendation_Unproven_Therapies_COVID-19.pdf
5 Virtual medication history interviews and discharge education. ISMP Can Saf Bull. Le 7 avril 2020 [page consultée le 26 avril 2020]; 20 (2): 1–3. [en ligne]: https://www.ismp-canada.org/download/safetyBulletins/2020/ISMPCSB2020-i2-VirtualBPMHDischargeEducation.pdf
6 COVID-19 virtual health toolkit. Provincial Health Services Authority (C.-B.); [page consultée le 26 avril 2020]. [en ligne]: www.phsa.ca/health-professionals/professional-resources/office-of-virtual-health/covid-19-virtual-health-toolkit
7 COVID-19 guidance - providing virtual care to patients. Alberta College of Pharmacy; [mise à jour le 6 avril 2020; page consultée le 26 avril 2020]. [en ligne]: https://abpharmacy.ca/covid-19-guidance-providing-virtual-care-patients
8 COVID-19: what pharmacists know now series. Société canadienne des pharmaciens d’hôpitaux, section de la C.-B.; [page consultée le 26 avril 2020]. [en ligne]: https://cshp-bc.com/covid-19-what-pharmacists-know-now/
9 Pharmacy practice: COVID-19. Société canadienne des pharmaciens d’hôpitaux; [page consultée le 26 avril 2020]. [en ligne]: https://www.cshp.ca/covid-19
10 COVID-19: information and resources. Association des pharmaciens du Canada; [page consultée le 26 avril 2020]. [en ligne]: https://www.pharmacists.ca/representation/covid-19-information-et-ressources/?lang=fr
11 Resources for coronavirus. Ontario Pharmacists Association; [page consultée le 26 avril 2020]. [en ligne]: https://www.opatoday.com/professional/resources/for-pharmacists/tools-and-forms/coronavirus-2
12 Novel coronavirus (COVID-19). College of Pharmacists of British Columbia; [page consultée le 26 avril 2020]. [en ligne]: https://www.bcpharmacists.org/covid19
Conflits d’intérêts: Aucune déclaré. ( Return to Text )
Canadian Journal of Hospital Pharmacy, VOLUME 73, NUMBER 3, May-June 2020