Éditorial

Danger droit devant: le moment du congé hospitalier est arrivé


Susan K. Bowles

Comment citer cet article: Bowles SK. Danger droit devant: le moment du congé hospitalier est arrivé [éditorial]. Can J Hosp Pharm. 2024;77(2):e3647. doi: 10.4212/cjhp.3647


Les transitions de soins sont des moments potentiellement dangereux pour les patients du système de soins de santé. Cela ne peut mieux être démontré qu’au moment du congé hospitalier. Il y a environ dix ans, l’Institut canadien d’information sur la santé a constaté que, sur une période de 11 mois, la réadmission à l’hôpital dans les 30 jours suivant le congé initial était courante (réadmission estimée à 8,5 %), coûteuse (chiffrée à 1,8 milliard de dollars) et évitable dans plus de la moitié des cas1. Il a été déterminé que les problèmes liés aux médicaments sont un contributeur important aux réadmissions – les problèmes de prescription et d’observance étant ceux les plus fréquemment cités2.

Trois articles de ce numéro mettent en lumière le processus du congé hospitalier, et chacun met l’accent sur un message important. Premièrement, la planification du congé doit commencer très tôt pendant le séjour à l’hôpital et doit comprendre un examen complet des médicaments pour prévenir toute prescription inappropriée au moment du congé; cette pratique peut potentiellement réduire les réadmissions liées aux médicaments. Deuxièmement, le point de vue des patients doit être pris en compte dans la planification du congé, ce qui est trop souvent négligé de nos jours dans notre système de santé débordé. Enfin, les pharmaciens doivent réfléchir de manière critique et en se fondant sur des données probantes à la manière et au moment où ils effectuent leurs activités liées au congé hospitalier.

La nécessité de mener un examen complet des médicaments en tant qu’élément de la planification précoce du congé est démontrée par Madey et al.3. Ces auteurs ont identifié des problèmes liés à la prescription qui peuvent survenir chez les personnes âgées et fragiles qui reçoivent des agents antipsychotiques pendant leur hospitalisation. Un tiers des patients ont continué à prendre ces médicaments à la suite de leur congé, dont seulement 15 % avaient un plan de suivi antipsychotique documenté et dont 40 % avaient encore une prescription d’antipsychotiques 180 jours après le congé. Cette situation les expose à des risques bien documentés de méfaits liés aux médicaments. Bien que de bonnes indications justifient l’utilisation d’antipsychotiques chez les personnes âgées, ces agents ne sont généralement pas nécessaires sur le long terme lorsqu’ils sont utilisés pour traiter le délire – une raison courante justifiant leur prescription pendant une hospitalisation. De plus, lorsqu’ils sont utilisés pour des comportements liés à la démence, un plan de réévaluation à 3 mois doit être mis en place4.

Pour Madey et al.3, l’examen complet de la pharmacothérapie est un moyen de s’assurer que les antipsychotiques prescrits à l’hôpital ne sont pas maintenus de manière inappropriée au moment du congé. Cette approche est conforme aux directives de l’Organisation mondiale de la santé, qui a identifié les transitions de soins comme un domaine prioritaire pour l’innocuité des médicaments, avec un examen complet des médicaments comme étape clé5.

Dans l’étude de Yeh et al.6, des membres non-pharmaciens de l’équipe ont déterminé que le bilan comparatif des médicaments au moment du congé ainsi que l’éducation des patients – deux activités qui se sont avérées efficaces pour réduire les taux de réadmission dans les 30 jours7 – sont les principales responsabilités d’un pharmacien pendant ce processus. Cependant, le point de vue du patient sur le processus du congé hospitalier, tel qu’examiné par Luo et al.8, porte à croire qu’une réévaluation de quand et comment se déroule la sensibilisation du patient aux médicaments est de mise. Bien que les opinions des patients étaient généralement positives, ils ont toutefois signalé que les conseils offerts ne répondaient pas toujours à leurs besoins particuliers et qu’ils devraient être plus complet, notamment en ce qui concerne les changements de médicaments pris à domicile. De plus, les patients ont indiqué avoir des difficultés à se souvenir des informations sur les médicaments qui leur avaient été fournies et à interpréter les documents remis à leur sortie, y compris ceux liés à la pharmacothérapie. Ces données soulignent la nécessité d’effectuer un suivi médicamenteux après le congé pour répondre aux questions des patients, résoudre les difficultés d’obtention des médicaments et cerner les effets secondaires problématiques. Pourtant, malgré les avantages démontrés quant aux taux de réadmission et de satisfaction des patients, de tels modèles de soins suivant le congé impliquant les pharmaciens sont rares9.

Une comparaison approfondie des résultats liés à la sensibilisation des patients aux médicaments effectuée avant ou après leur congé dépasse la portée de cet éditorial, mais l’examen de cet enjeu soulève la question de savoir si nous devrions repenser notre manière de les sensibiliser et le moment de le faire. Nous devons également envisager la possibilité d’élargir le rôle de nos collègues pharmaciens communautaires, comme l’a établi le National Health Service (NHS) du Royaume-Uni. Reconnaissant le besoin des patients de bénéficier d’un soutien médicamenteux après un séjour à l’hôpital, le NHS Discharge Medicines Service vise à améliorer la communication au moment du congé et à réduire les méfaits évitables liés aux médicaments10. J’attends avec impatience les prochaines évaluations de ce programme ainsi que son adaptation possible au système de santé canadien.

Il ne fait aucun doute que les pharmaciens rendent les congés hospitaliers plus sécuritaires, mais certains patients semblent encore passer entre les mailles du filet. Le moment est-il venu de réfléchir de manière plus systématique à ce qu’implique le processus du congé, au moment où il doit commencer et à la meilleure façon de le mettre en œuvre?

Références

1 Réadmission en soins de courte durée et retour au service d’urgence, toutes causes confondues. Institut canadien d’information sur la santé (ICIS); 2012 [consulté le 19 mars 2024]. Disponible à: https://publications.gc.ca/collections/collection_2013/icis-cihi/H118-93-2012-fra.pdf

2 Schönenberger N, Meyer-Massetti C. Risk factors for medication- related short-term readmissions in adults – a scoping review. BMC Health Serv Res. 2003;23:1037.
Crossref

3 Madey J, Tri S, Haines A, Zimmer S, Halpape K, Dumont Z. Antipsychotic prescribing in older adults after in-hospital initiation. Can J Hosp Pharm. 2024;77(2):e3543. doi:10.4212/cjhp.3543.
Crossref  PubMed  PMC

4 Bjerre LM, Farrell B, Hogel M, Graham L, Lemay G, McCarthy L, et al. Deprescribing antipsychotics for behavioural and psychological symptoms of dementia and insomnia: evidence-based clinical practice guideline. Can Fam Physician. 2018;64(1):17–27.
PubMed  PMC

5 Medication safety in transitions of care (WHO/UHC/SDS/2019.9). Organisation mondiale de la santé; 2019. Licence: CC BY-NC-SA 3.0 IGO.

6 Yeh P, Dahri K, Legal M, Inglis C, Tabamo K, Rahnama K, et al. Optimizing the hospital discharge process: perspectives of the health care team. Can J Hosp Pharm. 2024;77(2):e3544. doi:10.4212/cjhp.3544
Crossref  PubMed  PMC

7 Daliri S, Boujarfi S, El Mokaddam A, Scholte Op Reimer WJM, Ter Riet G, den Haan C, et al. Medication-related interventions delivered both in hospital and following discharge: a systematic review and meta-analysis. BMJ Qual Saf. 2021;30(2):146–56.
Crossref

8 Luo S, Dahri K, Kwok J, Inglis C, Hong J, Legal M. What patients want: a qualitative study of patients’ perspectives on optimizing the hospital discharge process. Can J Hosp Pharm. 2024;77(2):e3545. doi:10.4212/cjhp.3545
Crossref

9 Odeh M, Scullin C, Fleming G, Scott MG, Horne R, McElnay JC. Ensuring continuity of care across the healthcare interface: telephone follow-up post-hospitalization. Br J Clin Pharmacol. 2019;85(3):616–25.
Crossref  PubMed  PMC

10 NHS Discharge Medicines Service. National Health Service (UK), Business Services Authority; [consulté le 9 avril 2024]. Disponible à: https://www.nhsbsa.nhs.uk/pharmacies-gp-practices-and-appliance-contractors/dispensing-contractors-information/nhs-discharge-medicines-service


Susan K. Bowles, B. Sc. Phm., Pharm. D., M. Sc., travaille à la pharmacie de la Nova Scotia Health Authority et au College of Pharmacy de l’Université Dalhousie, à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Elle est également rédactrice adjointe du Journal canadien de pharmacie hospitalière.

Adresse de correspondance: Dre Susan K. Bowles, Department of Pharmacy, Nova Scotia Health Authority, 1796 Summer Street, Halifax NS B3H 3A7, Courriel: susan.bowles@nshealth.ca

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© 2024 Canadian Society of Hospital Pharmacists | Société canadienne des pharmaciens d’hôpitaux

Canadian Journal of Hospital Pharmacy, VOLUME 77, NUMBER 2, 2024